Les inscriptions d’Orient en France ? Les réserves du Musée de Cluny

Un des objectifs de GRAPH-EAST est de “penser l’épigraphie en mouvement” dans l’espace et le temps. S’il y a bien une écriture que l’on croit naturellement liée à une certaine stabilité, une fixité, voire une immobilité, c’est l’écriture épigraphique, tant par sa pesante matérialité que par la persistance de certains choix d’écriture et de langage. Cette source qui produit sa propre légende d’immutabilité. Pourtant, l’écriture en alphabet latin en Méditerranée orientale est bien une écriture migrante, voyageant au gré des vagues des Occidentaux, des pèlerins, des ordres militaires, ou encore des marchands. Les textes et les supports circulent. Penser le mouvement permet aussi de redonner vie à l’objet épigraphique, dans la longue durée, jusqu’à aujourd’hui, en suivant son parcours, ses multiples changements de statuts et de régimes de valeurs.

Pour donner une idée de ces mouvements, voici la carte des lieux de conservation des inscriptions du Royaume latin de Jérusalem (1099-1291).

La prochaine mission de l’équipe (24-26 mai) est donc en France même, dans les réserves du Musée de Cluny, après avoir déjà exploré celles du Louvre, au Centre de conservation de Liévin.

Le Musée de Cluny – Musée national du Moyen Âge à Paris – conserve  18 épitaphes en alphabet latin provenant d’Orient, ce qui représente la plus riche collection épigraphique lapidaire de Méditerranée orientale en France, et l’une des plus importantes en Europe. Avec la rénovation du Musée qui s’est achevée en 2022, un certain nombre de ces inscriptions ne sont plus exposées au public, mais conservées dans des réserves en région parisienne. Après l’examen des dossiers d’œuvre au Centre de documentation, permettant de retracer l’historique des pièces, leurs prêts dans d’autres institutions, leurs restaurations, et de retrouver d’anciens clichés photographiques, direction les magasins pour “autopsier” les inscriptions. Ces grandes dalles proviennent de Chypre, où le Royaume franc dura le plus longtemps (de 1192 à 1489) par rapport aux autres états latins d’Orient, et de Rhodes, île conquise par les Hospitaliers dans la première décennie du XIVe s.  Plusieurs épitaphes sont celles des grands maîtres des Hospitaliers; on trouve aussi des chevaliers de Chypre, tel Brocard de Charpignie [image mise en avant; © RMN-GP/cliché Jean-Gilles Berizzi] (voir la notice réalisée par Xavier Dectot  : http://www.sculpturesmedievales-cluny.fr/notices/notice.php?id=105 ).

Cette mission diffère des autres car son but est plus large que le simple examen des pierres. Avec le soutien de la direction du Musée et de Damien Berné, conservateur, une exposition virtuelle sera réalisée sur ces inscriptions d’Orient afin de les rendre de nouveau accessibles au grand public. 

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